Développement du numérique en Afrique : où en est-on ?

Écrit par Wilfried Kirschenmann, le 20 juillet 2021

La série Tech Intelligence explore des sujets variés de la tech : cloud, cybersécurité, blockchain. Aujourd'hui, découvrez un rapide coup d'oeil sur le développement du numérique sur le continent africain.

Tout miser sur la téléphonie : une stratégie payante pour le développement du numérique en Afrique ?

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En 2020, le nombre d'utilisateurs de mobiles en Afrique est estimé à plus de 700 millions sur tout le continent. Cependant, ce n'est pas une réalité équivalente sur tout le continent : le nombre d'abonnés mobile en 2017 pour 100 habitants diffère selon les continents. Il est très élevé dans les pays du Maghreb, de l'Afrique de l'Ouest et du Sud. Il reste toutefois très bas en ce qui concerne l'Afrique central et de l'Est.

Ce qu’il faut comprendre c’est que le réseau mobile est le premier moyen d’accès à Internet en Afrique. Plus de la moitié des connexions sont faites grâce à la téléphonie mobile. Et nombreuses sont les entreprises qui capitalisent sur ce phénomène.

Des leaders Africains du numérique ?

Les leaders dans le domaine du numérique et de la téléphonie ne changent pas d’un continent à l’autre.

Prenons l’exemple de Jumia, leader des sites e-commerces, présent dans une majeure partie du continent, à l’instar d’un Amazon. L’entreprise a créé un lieu de rencontre numérique entre l’offre et la demande et propose aussi des services de logistique et de moyens de paiement (paiement par SMS par exemple).

Seulement, cette dernière s’est créée à Berlin par des français, son siège technique est au Portugal et ses capitaux sont principalement occidentaux.

C’est un fait, les leaders économiques du continent Africains sont étrangers. S’il l’on regarde dans la téléphonie mobile, le leader MTN, un opérateur Sud-Africain, se retrouve très souvent en concurrence avec des opérateurs européens (Orange ou Vodafone).

Cette tendance est également observable dans l’installation des antennes de communications. Avec une particularité supplémentaire, puisque l'on retrouve également des entreprises chinoises telles que Huawei ou ZTE.

Toutefois, cette prédominance des étrangers sur le marché du numérique africain peut rapidement évoluer. En effet, de nombreux pays adoptent des politiques publiques afin de créer des clusters du numérique dans l’espoir de faire émerger des entreprises 100% africaines.

Les grands clusters du numérique africain

Associant capitaux privés et publics, de nombreuses zones économiques ont fait leur apparition dans certains pays africains. En coopération évidente avec des entreprises américaines, européennes et chinoises.

Quelques exemples :

  • Au Maroc : le cluster E-madina. E-Medina a été créée en 2013 à Casablanca, ce cluster d’entreprise et de services public à pour vocation d’être une «smart-city », un écosystème reliant de nombreuse entreprise de différents secteurs afin de renforcer les synergies.
  • Au Ghana : le centre de recherche sur l'IA de Google. Avec l’association des entreprises numériques, Google a ouvert à Accra son centre de R&D sur l’IA. Une démarche qui fait suite à la création en 2012 de l’institut africain pour les mathématiques en coopération avec BlackBerry et MasterCard. Ce centre se focalise sur les algorithmes d’anticipation météorologique et sur la détection de maladies car de nombreux PIB africains dépendent de l’Agriculture.
  • Au Kenya : Konza Technopolis. Il s'agit d'un pôle numérique qui regroupe les géants du numérique : GAFAM, IBM, Nokia, Samsung ... Autrement appelé la Silicon Savanah, ce pôle a fait naître 250 startups, des universités et des incubateurs. C’est par la présence des géants étrangers que de nombreux entrepreneurs africains viennent se greffer pour profiter des opportunités créées.
  • Au Nigeria : Yabacon Valley. On retrouve à Lagos, la ville aux 22 millions d’habitants, un cluster similaire à celui du Kenya. C’est par l’installation des GAFAM et autres géants du numérique que de nombreuses startups ont vu le jour. Les grands groupes attirent les personnes qualifiées qui derrière décident de se lancer dans l’aventure de l’entreprenariat. C’est le cas de l’entreprise Jobberman, le plus grand site internet pour trouver un emploi en Afrique subsaharienne.

C’est souvent le long des côtes atlantiques qu’apparaissent des clusters du numérique. Cela s’explique par l’arrivée des câbles sous-marins du réseau internet mondial. Les entreprises du numérique s’installent au plus près de l’accès à l’information.

A Cotonou au Bénin, la ville accueille la Smart City béninoise car elle se trouve très proche de l’arrivée des câbles.

Le numérique comme accélérateur de croissance en Afrique

Selon Rima Le Coguic, Responsable de la Division Transport, Télécoms et Énergie Durable à l’Agence française de développement (AFD), "l’innovation numérique permet de faire sauter des étapes aux trajectoires de développement de l’Afrique en renforçant l’inclusion sociale et financière et en devenant un moteur de croissance et d’emploi".

En effet, l’Afrique s’est d’abord concentrée sur la construction d’un réseau téléphonique mobile et non fixe. Cela facilite ainsi les connexions entre les particuliers tout en renforçant la mobilité de ces dernières.

Le numérique se retrouve aussi dans les politiques publiques d’éducation à travers le e-learning. Par exemple, l’Africa Code Week a permis en 2016 d’apprendre à 426 000 jeunes de 30 pays africains les bases de la programmation. C’est en ciblant une jeunesse de plus en plus grandissante que l’Afrique pourra changer la nature de ses problèmes.

Il est aussi un remède à la fébrilité du système bancaire. De nombreuses entreprises se sont créées autour des paiements en ligne et par la téléphonie. L’exemple du Mobile Money en est la preuve. En effet, MTN mobile money, Orange money, Moov money, Airtel mobile money, etc. offrent la capacité de lier son numéro de téléphone à son compte bancaire pour procéder à des paiements.

Ces efforts portent leurs fruits puisque l’on estime à 550 millions de dollars la somme levée par des jeunes startups africaines en 2017.

Le numérique en Afrique : un secteur qui subit des freins

Pour relier la population africaine et accélérer les opportunités liées au numériques, les pays n’ont pas d’autres choix que de faire appel aux capitaux et à l’expertise des puissances étrangères pour construire les réseaux de téléphonie, installer des antennes 4G ou déployer la fibre optique sur le continent.

Les pays africains doivent s’endetter et le risque d’insolvabilité (dû à l’instabilité politique et la volatilité des prix des matières premières) ralentit les investissements dans ce domaine. Parallèlement la Chine (premier partenaire commercial de l’Afrique) mène depuis 10 ans une politique d’investissement massif sur le continent. Récemment, le Sénégal a inauguré un projet de data center à Diamniadio en coopération avec Huawei.