Les DRH s'orientent client et digital !

Écrit par Ludovic Millequant, le 20 novembre 2019

Les DRH ont entamé leur transformation digitale, et oui, c’est une fantastique nouvelle ! Selon une étude du cabinet Markess, 88% des professionnels RH estiment que le digital est indispensable à leur fonction. 65% estiment que l’Intelligence Artificielle est utile, voire incontournable ! Au-delà de l’aspect outil, les DRH ont désormais une vraie vision de leur fonction. Celle-ci est au service de la création de valeur pour chaque partie prenante : l’entreprise, ses actionnaires, clients et collaborateurs.

La place prépondérante des marchés financiers, la mondialisation, l’accès facilité à l’information, aux expertises, la baisse du coût de l’innovation. Autant d'éléments qui concourent à accélérer le rythme. Les DRH utilisent dorénavant les méthodes modernes comme le design thinking et l’intelligence collective pour collaborer avec leurs clients internes et délivrer plus rapidement des solutions pertinentes. Clairement, les DRH ont embrassé la culture digitale !

Serait-ce un tableau idyllique ? Non, c’est le constat que chacun (à commencer par moi) peut faire au contact de DRH visionnaires et engagés à valoriser le capital humain de l’entreprise. Au même titre que certains DSI ont su engager la transformation de leur fonction (en s’inspirant des méthodes utilisées par les organisations innovantes).

Les DRH avant

La fonction « ressources humaines » suit l’évolution de la société, et celle des entreprises. Le rôle des DRH et leur zone d’influence ont également cru à mesure que la société et les dirigeants d’entreprise ont accordé davantage d’importance aux collaborateurs.

Jusqu’aux années 1970, on parlait du service du personnel, dont la mission était centrée sur les fonctions régaliennes. La gestion contractuelle, la paie, le disciplinaire et l’application de la législation sociale, principalement.

Progressivement, la direction du personnel, autrefois rattachée à la direction administrative et financière, a gagné en autonomie et en influence. Elle est devenue la direction des ressources humaines à partir des années 90. Elle a rejoint les comités de direction et les comités exécutifs.

L’accélération et l’internationalisation des échanges commerciaux et de l’innovation ont eu pour conséquence une prise de conscience généralisée. Les collaborateurs deviennent un avantage concurrentiel, et il faut davantage piloter et anticiper leur gestion. C'est également le cas des autres ressources : financières, matérielles et immatérielles de l’entreprise, au risque de perdre ses collaborateurs et donc la compétitivité à moyen / long terme de l’entreprise.

DRH : vers le capital humain

Aujourd’hui, il est de plus en plus fréquent d’entendre parler de capital humain. Cela sous-tend d’autres notions : investissement et retour sur investissement. En effet, le capital est une somme d’investissements utilisée pour en tirer un profit, ou « retour sur investissement » (ou « ROI. » – Return On Investment – en anglais, que nous réutiliserons pour abréger).

Cette évolution du positionnement et du discours traduit la volonté des DRH de parler le même langage que leurs homologues du COMEX/CODIR. Ils parlent d’investissement et de ROI au quotidien. Investir dans un produit, dans un service, dans pays, dans un service, dans une technologie… et désormais, dans les collaborateurs. Car oui, désormais, on investit dans les collaborateurs ! N’est-ce pas une autre fantastique nouvelle ?

En finance, le ROI est le ratio financier. Il mesure le montant d'argent gagné (ou perdu) par rapport à la somme initialement investie dans un projet. Il peut y avoir des retombées, positives ou négatives, non directement financières à un investissement, notamment en capital humain…

Le retour sur investissement des DRH côté marketing

Si l’on regarde du côté du marketing, on y exprime également le retour sur investissement. Celui-ci pourrait être évalué par le client plus ou moins explicitement par le ratio [valeur perçue / valeur payée]. La valeur y est ici définie aussi bien par des éléments factuels et tangibles que par des éléments moins tangibles. Pour autant, le manager (surtout à haut niveau) a généralement besoin de mesurer pour décider, y compris l’intangible. Ainsi, Fred Reichheld a défini dans un article paru dans la Harvard Business Review de 2003 que le Net Promoter Score (NPS) serait l’indicateur ultime. Il se résume à la seule différence entre le pourcentage de clients promoteurs et celui de clients détracteurs. Une façon simple de mesurer ensemble tangible et intangible.

Si l’on sent que la définition marketing est plus proche de l’environnement RH que celle de la finance, cela induit une autre question. Ainsi, qui sont les clients des RH, c’est-à-dire ceux qui évaluent la valeur et achètent les services des RH ?

S’orienter client… OK, mais le(s)quel(s) ?

Stricto sensu, le client est celui qui obtient un produit ou un service moyennant une contrepartie. La notion de contrepartie est intéressante, car chaque typologie de client pourra en rechercher une forme spécifique. Voici qui je considère comme les clients de la DRH, ce qu’ils « achètent » et comment ils mesurent la valeur apportée par la DRH.

  • Les collaborateurs : ils recherchent une expérience positive au sein de l’entreprise. Depuis leur recrutement jusqu’à leur sortie, en passant par le développement de leurs compétences, leurs promotions… et ça commence souvent par une paie juste ! La qualité de cette fameuse « expérience collaborateur » est inspirée de l’expérience client. Elle est aujourd’hui mesurée à la manière du Net Promoter Score® par des enquêtes d’engagement… quoiqu’il s’agissent d’une vision réductrice de ce qu’est l’expérience collaborateur, et les DRH visionnaires cherchent à aller au-delà… j’y reviendrai dans un prochain article. Le rôle de la DRH est de fournir un écosystème propice au développement (HR Ecosystem Builder). Quant à sa posture, elle doit adopter celle d’un Coach qui accompagne en challengeant.

  • Les managers : ils recherchent un appui et une expertise. Plus généralement, la résolution de leurs problèmes de recrutement, de développement des compétences, de discipline. Au-delà, ils veulent anticiper les mouvements de personnel. Les DRH visionnaires mesurent la satisfaction de leurs clients managers. Ils mesurent généralement aussi des indicateurs comme la réactivité et la qualité des réponses apportées. Le rôle de la DRH à leur égard est celle d’un Business Partner.Sa posture est celle d’un Operational Designer qui co-construit avec les managers les solutions adaptées à leur problème.

  • La direction, et par extension les actionnaires. Elle recherche une sécurisation sur les aspects légaux (pour éviter les procès et l’impact sur l’image). Egalement, elle vise une anticipation sur les besoins futurs de compétences, une capacité d’innovation. Elle ambitionne aussi la maximisation du ratio performance RH/coût RH. Nulle surprise que la direction inclut des critères proches de la finance, mais pas que ! Le rôle de la DRH est d’être un visionnaire et sa posture, celle d’un Strategic Designer.

En interne, des attentes différentes

Les RH doivent garantir une qualité de service égale à tous. Cependant, les attentes des clients internes sont diverses dans leur nature. Que ce soit dans le niveau de service attendu en fonction de la maturité de chaque organisation et sous-organisation (filiale, business unit…), et dans leur niveau d’urgence. Les RH cherchent donc à délivrer une prestation sur-mesure. A moindre coût et moindre délai, et ils ont trouvé comment faire !

Être un DRH digital pour incarner la transformation digitale

On l’a vu en introduction, les DRH visionnaires utilisent désormais les méthodologies de design collaboratif pour résoudre les problèmes et proposer des solutions davantage sur-mesure. Les bénéfices sont décisifs : responsabilisation des équipes, implication du management, meilleure appropriation des changements induits ... Cela permet également un gain de temps dans la résolution de problèmes. Ces méthodologies font partie du corpus de l’innovation imaginé à l’université de Stanford, qui ont inspiré les méthodes de travail de la plupart des startups mondiales, comme le design sprint développé chez Google Ventures, d’où cette association à la culture digitale.

En s’appropriant ces méthodologies, elles ne se contentent pas de définir de nouveaux outils digitaux. Elles deviennent digitales dans leur façon de penser et de travailler. Ainsi, elles co-construisent avec leurs clients et raccourcissent les cycles de création de nouveaux services. De plus, en faisant cela, elles réduisent le risque d’erreur au moment de l’industrialisation. Les financiers et contrôleurs de gestion RH seront donc rassurés au moment de parler de ROI !

En devenant digitales dans leur état d’esprit et leur façon de travailler, les DRH incarnent la transformation digitale souhaitée par les directions générales. Elles sont donc en excellente posture pour la porter et la mettre en place aux côtés de leurs clients internes. Cela concerne notamment les autres directions métier et support. La DRH adopte pleinement son rôle de Strategic Designer. En effet, elle parle le même langage que ses partenaires et délivre davantage de valeur, plus vite, à ses clients. Et c’est vraiment une fantastique nouvelle !

Au plaisir d'en parler avec vous ! Que vous souhaitiez en débattre ou imaginer comment accélérer la digitalisation de vos processus RH.

Sources

[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Design_thinking

[2] https://fr.wikipedia.org/wiki/Capital

[3] https://hbr.org/2003/12/the-one-number-you-need-to-grow

[4] https://en.wikipedia.org/wiki/Net_Promoter

[5] https://fr.wikipedia.org/wiki/Design_sprint