Mettre en place une démarche d’amélioration continue traditionnelle s’accompagne le plus souvent par le déploiement d’outils et d’instances décisionnelles permettant de faire du recueil d’idées. Puis vient le moment de choisir et d’arbitrer parmi toutes ces idées, souvent le rôle des managers, pour finalement n’en conserver que quelques-unes qui seront converties en actions concrètes. Pour les collaborateurs dont les idées n’ont pas été retenues ce mode de fonctionnement peut être sources de frustrations et de démotivation. En utilisant les principes de la sociocratie dans la gestion de ses projets comme par exemple le réaménagement de ses locaux, Woonoz fait de la participation de ses collaborateurs une source de motivation et d’engagement permettant à chacun d’exprimer et de défendre son point de vue.
Woonoz est une startup lyonnaise spécialisée dans l’Ancrage Mémoriel®. En forte croissance, l’entreprise avait une cinquantaine de collaborateurs il y a moins de 3 ans et en compte désormais plus de 100. Très impliqué localement au sein de la communauté régionale agile, et poussé par la curiosité, l’un de ses fondateurs, François Paret, déjà très intéressé par les pratiques innovantes en matière de management, a décidé de se lancer dans une nouvelle aventure et d’appliquer les principes de la sociocratie comme mode de gestion de certains projets d’envergure impactant un grand nombre de personnes. C’est le cas notamment des projets touchant aux réaménagements des locaux rendus nécessaires par le nombre croissant de collaborateurs ayant rejoint l’organisation.
Derrière cette idée se trouvait l’envie de faire participer tout le monde au projet par la voie du consentement afin que chacun se sente écouté dans ses besoins en termes de conditions de travail et surtout puisse avoir son mot à dire et l’exprimer en cas de désaccord avec les quelques propositions préparées par la direction avec l’aide d’un architecte.
Le consensus tire vers le bas, le consentement tire vers le haut. - François Paret, dirigeant et cofondateur de Woonoz
Le début de l’expérimentation commença donc par la mise en place des 3 premières règles de fonctionnement de la sociocratie :
Un mode de fonctionnement en Cercles
Chez Woonoz les cercles sont au nombre de 9 et regroupent le plus souvent des personnes d’une même équipe de travail. Le découpage a aussi été fait de façon égale afin d’obtenir environ 10 personnes dans chaque cercle.
L’élection sans candidat d’un représentant par Cercle
Chaque Cercle a ensuite choisi son représentant. En mode ouvert, sans candidat déclaré, les membres des Cercles ont procédé à la sélection de leur représentant de façon très pertinente selon François, mettant en avant des personnes réellement appréciées et donc faisant l’unanimité au sein de leur Cercle. La tâche de chaque représentant consista à présenter, au cours d’une réunion bilan rassemblant tous les représentants des Cercles ainsi que la direction, la proposition approuvée par son Cercle et donc de participer par son vote au choix qui a été fait pour retenir la proposition d’aménagement définitive.
La prise de décision par consentement
Chaque Cercle s’est réuni autour de quelques propositions d’aménagements préalablement étudiées. Ce travail préliminaire a permis de donner un cadre et de garantir la faisabilité technique des solutions présentées dans le but de gagner du temps dans les échanges (les Cercles ne sont pas partis d’une feuille blanche). Cela a permis d’avancer rapidement vers une nouvelle version des aménagements des espaces de travail sans pour autant brider la créativité des collaborateurs qui ont pu s’exprimer.
A la différence du consensus, explique François, le consentement implique l’adhésion de tous les membres du Cercle à la décision retenue. La participation au choix se fait par un vote à main levée : le pouce en l’air en cas « d’accord », le pouce en bas en cas de « désaccord » ou la main plate à l’horizontale pour signifier la neutralité. Chaque vote de « désaccord » fait alors l’objet d’une discussion argumentée au cours de laquelle le collaborateur en « désaccord » explique le pourquoi de son vote. Au cours de ces échanges, François fut d’ailleurs agréablement surpris de constater la quasi absence de vote de « désaccord » pour le « désaccord ». Les personnes se sont par elles-mêmes « responsabilisés ». Les discussions se sont tenues jusqu’à ce que tous les votes initialement en « désaccord » soient levés ou qu’une nouvelle décision soit prise.
Tout l’intérêt de la sociocratie réside dans cet exercice d’argumentation et de responsabilisation de chacun face à ses choix tout en sachant qu’in fine il doit y avoir consentement pour entériner une décision. François a d’ailleurs fait le constat que de tous ces échanges il ressortait beaucoup d’arguments très valides et des idées très pertinentes qui ont permis d’enrichir les propositions initiales.
Dans les principes de fonctionnement de la sociocratie il existe une quatrième règle : le double lien. Dans le cas de Woonoz, c’est François lui-même qui s’est chargé de faire le relais, et d’être le passeur d’informations entre tous les Cercles, aux côtés des représentants de chaque cercle. Il a participé à toutes les réunions, ce qui lui a permis de suivre pas à pas le bon déroulement de la pratique.
En définitive, il ressort de l’expérimentation une version finale du plan d’aménagement des locaux différente des premières propositions, enrichie des retours et des points de vue exprimés dans chacun des Cercles. Pour François ce fut une réussite et beaucoup de satisfaction d’avoir réussi à faire participer tous les collaborateurs au projet. « Cela demande beaucoup de confiance » selon lui, mais la qualité des relations de travail n’en est ressortie que plus grande, ce qui se ressent aussi sur la motivation et la cohésion autour des valeurs portées par l’entreprise.
C’est maintenant vers d’autres activités et pour d’autres projets que Woonoz souhaite étendre les principes de la sociocratie : le management des innovations. Le train de l’expérimentation managériale n’est pas près de s’arrêter…