Assureurs, faut-il licencier pour résister ?

Écrit par Fabrice Rémy, le 10 avril 2019

Les assureurs se retrouvent face à un tournant majeur de leur existence ou plutôt de leur croissance.

Ils doivent tout d’abord faire face à une pression réglementaire de plus en plus forte et constamment renouvelée qui n’a d’égale que l’intensité de la pression concurrentielle. Cette dernière est exacerbée par la menace latente, mais non encore révélée du nouvel entrant sur le marché (GAFA ? BATX ? ou jeune startup ?) venant tout révolutionner en un claquement de doigt prenant la majorité des parts de marché en quelques mois seulement. Mythe ou réalité ? Je vous laisse juger.

Quoi qu’il en soit, cela a eu deux conséquences notables.

Tout d’abord, le mouvement de concentration des différents acteurs a repris de plus belle créant ainsi des structures encore plus grosses, encore plus lourdes et donc encore moins agiles mais, créant de ce fait, un problème urgent de recherche de performance. Par performance, il faut entendre une optimisation du couple « frais de gestion / qualité » qui va passer très certainement par la case « automatisation des processus » (la RPA) entrainant de façon inéluctable une libération de capacité de ressources humaines.  Pour être plus clair … trop de collaborateurs dont on ne sait pas obligatoirement quoi en faire.

Le deuxième effet a été la prise de conscience de l’importance de soigner son expérience client. Pour un secteur plutôt habitué à un certain protectionnisme et une concurrence feutrée, cela représente une véritable révolution culturelle obligeant à repenser en profondeur son modèle économique.

Deux enjeux apparemment éloignés l’un de l’autre. Et pourtant … Étudions les de façon conjointe, coordonnée et simultanée …

 

Est-ce une ineptie de penser que des personnes qui travaillent depuis un certain temps au sein d’une entreprise, qui en connaissent le fonctionnement et la culture et qui ont eu à traiter des problématiques clients, à répondre à leurs questions, leurs demandes ou à faire face à leurs réclamations, soient pertinentes pour réfléchir à optimiser l’expérience de ces mêmes clients ?

Est-ce incohérent le fait d’imaginer de construire tous ensemble le nouveau modèle de l’entreprise, d’inventer de nouveaux services ou d’adapter ses processus aux besoins réels des clients au lieu de l’imposer de façon dogmatique et unilatérale ?

L’intelligence collective au sein d’une entreprise prend tout son sens lorsque la diversité horizontale (multi-métiers) et verticale (multi-niveaux) est respectée. Profitez-en !

Mais allons plus loin …

Qui va mettre en place et animer ces nouveaux services, cette nouvelle expérience ?

Je vois déjà les plus sceptiques d’entre vous lever les yeux au ciel … « comment des personnes qui ont été habituées à exécuter principalement des tâches répétitives (victimes les plus directes des projets RPA) seraient maintenant à même de pouvoir exercer un autre métier ? »

J’ai une réponse pour vous : les SOFTS SKILLS voire même maintenant les MAD SKILLS !!!

A l’heure où les HR TECH fleurissent et réussissent autour du concept de faire matcher des personnes à un métier non plus sur la base des simples compétences (le « savoir-faire ») mais surtout sur la base du « savoir-être », il est temps de mettre en place des politiques RH différentes.

Et si vous regardiez et considériez votre collaborateur non pas au prisme de son âge, de son travail précédent ou de grilles d’évaluations ancestrales mécaniquement remplies depuis des années mais plutôt au travers de ce qu’il est, de ses envies, de ses passions, de sa singularité et surtout de ce qui le ferait se lever tous les matins avec le sourire ?

Vous pourriez être surpris du résultat.

Le « senior » dont on ne sait pas plus trop quoi faire se transforme alors en un coach riche d’une longue expérience qu’il pourrait transmettre.

Le « gestionnaire historique » se révèle être un conseiller chargé du bon accueil de vos clients dans votre agence.

Et autant d’idées et d’histoires à construire dans un futur où plus de 85 % des métiers en 2030 ne sont même pas actuellement connus (étude DELL Technologies et Institut pour le Futur de PALO ALTO – 2017).

Vous pourriez aussi avoir la bonne surprise de découvrir que le poste ouvert depuis des mois dans telle agence, telle filiale, tel département ou direction, et pour lequel vous avez du mal à trouver la personne idéale, et bien que tout simplement cette personne elle est déjà chez vous, modulo un parcours de formation ou un simple accompagnement. Vous pourrez ainsi découvrir que votre problématique de mobilité interne revêt un caractère bien différent si vous transcendez la logique traditionnelle des évolutions de carrière issues d’un passé dépassé.

En conclusion, pas sûr que la problématique RH induite par une politique d’optimisation des processus soit véritablement un problème. Ne serait-ce pas plutôt l’occasion de repenser et réenchanter son expérience collaborateur tout en améliorant son expérience client ?

Tout est une question d’éclairage et de point de vue.