Chef de projet dans une entreprise sans hiérarchie

Écrit par Benjamin Garnier, le 23 juillet 2019

Quand j’explique mon travail autour de moi je me présente comme chef de projet, car c’est ce qui permet de définir rapidement ce que je fais. Puis je parle de mon entreprise, qui est une entreprise sans hiérarchie. Passée la phase d’étonnement et de précision, j’ai souvent cette question : mais s’il n’y a pas de hiérarchie, comment peux-tu être chef ?

Tout d’abord, il faut noter que je suis « chef de projet » et non « chef d’équipe ». Mon rôle n’est pas d’encadrer des gens, mais de faire en sorte que le projet se déroule au mieux. Afin d’illustrer ceci, j’aime bien utiliser la métaphore de la charrette que l’on doit amener d’un point « A » à un point « B ».

En tant que membre de l’équipe, je suis à l’avant et participe à tirer la charrette avec mes collègues.

En tant que chef de projet, je suis également sur la charrette afin de définir l’itinéraire et indiquer le cap à tenir.

Enfin, mon dernier rôle est de marcher à côté de la charrette et de m’assurer que les essieux sont bien huilés et qu’aucun caillou ne va rendre notre tâche plus difficile.

Pour résumer, je participe à l’élaboration du projet, je réalise le suivi et les arbitrages, et je fais en sorte que tous les moyens sont là pour la réussite du projet.

Mais ce rôle de chef de projet est le même que celui que j’avais dans ma précédente société qui était une entreprise traditionnelle. Ce qui me change aujourd’hui c’est que je n’ai plus aucun lien hiérarchique avec les autres membres de l’équipe. Je n’ai donc pas l’autorité pour imposer ma vision et les actions qu’ils auront à faire.

Je lisais récemment le livre de François Dupuy « lost in management » dans lequel il illustre par quelques exemples les faiblesses actuelles du management. Et au nombre de ses constats il y a en a deux qui ont particulièrement retenu mon attention : le problème de la confiance sur lequel je reviendrai un peu plus loin, et celui des moyens à disposition du management de proximité tel que les chefs de projet, d’équipe ou de service.

En effet, il explique que dans les entreprises traditionnelles, ces chefs de projet n’ont plus la main ni sur les primes ni sur les changements de poste. Ainsi, ils n’ont plus que des bâtons et aucune carotte pour motiver l’équipe. C’est donc une véritable plaie pour ces managers qui se sentent impuissants à diriger l’équipe.

Ce qui m’a interpellé sur ce propos c’est que ce qu’il met en avant comme un problème dans une entreprise traditionnelle a été institutionnalisé dans les entreprises sans hiérarchie. Avec des augmentations décidées conjointement entre l’équipe, les RH et les pairs au sein de la société, des primes basées sur objectif collectif et des changements de mission uniquement motivés par nos envies (ces trois points pourraient chacun faire l’objet d’un billet pour expliquer leurs fonctionnements…), je n’ai aucun levier hiérarchique pour imposer mes choix projets.

Et c’est là que je reviens sur la confiance :

Soyons honnêtes, la plupart du temps, l’équipe fait ce que je lui demande. On pourrait me rétorquer que c’est un reste d’autorité de chef ou peut être une sorte de charisme naturel, je ne saurais juger. Mais j’aime à penser qu’ils m’écoutent, car ils me font confiance pour prendre les bonnes décisions, celles qui vont dans l’intérêt du projet, de l’équipe et du client. Comme moi je leur fais confiance sur la manière de faire leur travail. En effet, je leur donne l’objectif à atteindre et je n’impose pas de manière de faire.

Alors, finalement qu’est-ce que c’est être chef dans une entreprise sans chefs ? En fait, ce n’est qu’une question de sémantique.

Être chef, c’est être la personne de confiance de l’équipe pour tout ce qui a trait aux décisions projet.

Une entreprise sans chefs c’est une entreprise sans personne qui a l’autorité pour imposer une décision qui va à l’encontre du projet ou de l’équipe.

Et être chef projet dans une entreprise sans hiérarchie c’est mettre de l’huile sur les essieux pour que l’équipe (j’entends les développeurs, le client et le chef de projet) tire avec facilité vers l’objectif collégialement consenti !