Quelques mois après avoir pris la tête d'une division SI de 72 personnes, Yannick veut prendre de bons réflexes pour connaitre ses équipes : il veut créer un climat de confiance et effacer les barrières hiérarchiques. Mais comment faire quand on n’a pas le temps pour ajouter des temps de rencontres ?
Quand Yannick prend sa fonction en avril 2018, il fait d’abord un tour des bureaux pour comprendre les besoins de ses collaborateurs. Une des revendications majeures qu’il entend est le besoin des équipes de le voir et de lui parler régulièrement.
Il décide alors de mettre en place des réunions informelles. Toutes les semaines, pendant 2 heures, il se réunit avec ses 12 managers de division. Et une fois par mois, il consacre une heure aux opérationnels d’un domaine (avec ou sans le manager du domaine en question).
Jusque-là, rien d’extraordinaire. Sauf que ce ne sont pas des réunions comme les autres. Pour des échanges plus humains, il est convaincu qu’il faut rendre ses lettres de noblesse à un des sports préférés de la nature humaine : le bavardage. Et donc, se débarrasser de l’écrit. Il bannit tout support : interdiction d’apporter des slides, de définir un ordre du jour préalable, ou de faire de ces réunions une revue des KPI.
C’est simplement une table et des gens… même la table, si je pouvais la bannir, je le ferais ! - Yannick Gloaguen
Non, non, ne gloussez point : ce tour de table hebdomadaire se révèle être une véritable bouffée d’oxygène pour les équipes et un formidable terrain de sérendipité et de collaboration. Pourtant les règles sont peu nombreuses. En fait, il n’y en a que deux : 1) ce n’est jamais la même personne qui commence le tour de table et 2) les sujets personnels n’y ont pas leur place. Chacun prend la parole à son tour pour parler de ce qu’il veut : son humeur, ses projets en cours, ses difficultés, ses problèmes avec la machine à café, ses congés à venir…
Au début, évidemment, ça n’allait pas de soi. Une fois, Yannick a même dû écourter une réunion au bout de quinze minutes : personne n’avait rien à dire (on imagine aisément les blancs gênants de cette réunion). Et pourtant, quand il demande aux participants si cette réunion leur parait quand même nécessaire, tout le monde rétorque qu’il faut la maintenir. La fois suivante, la même équipe a eu besoin du temps total de la réunion.
Notons-le bien : Yannick est animateur, son rôle n’est pas de combler des blancs ou d’imposer certains sujets. Ce n’est pas non plus de forcer tous les participants à s’exprimer. Il est simplement facilitateur, et il se contente de programmer des réunions individuelles lorsqu’une revendication personnelle émerge.
Pour Yannick, les avantages sont nombreux. Le fait qu’il n’y ait pas de préparation pour cette réunion est un gain de temps énorme pour lui et ses équipes. L’absence d’ordre du jour laisse une flexibilité totale aux sujets abordés : ainsi, le sujet des grèves de transport a naturellement débouché sur une réflexion sur le télétravail. Il note également que ces réunions créent de la solidarité spontanée : quand quelqu’un exprime une difficulté, d’autres participants proposent naturellement leur aide. Il faut quand même l’avouer : on aura rarement entendu parler d’une collaboration transversale aussi simple, dans une grande banque qui plus est ! Ces réunions évitent également la multiplication de rendez-vous et permettent de traiter des sujets essentiels mais non urgents qui peuvent survenir au cours de la semaine (« c’est urgent ? Non ? Alors on en parle vendredi tous ensemble »).
Preuve de l’utilité et du succès de ce format de réunion : le taux d’absentéisme est nul. Personne ne cherche des excuses pour se sortir de ces réunions. Les participants demandent systématiquement à Yannick (qui consulte leur avis tout aussi systématiquement) de maintenir ces réunions.
Par contre, qu’on se le dise, sans compte-rendu ni prise de note, ces réunions favorisent les échanges et non la prise d’action. Les collaborateurs ne peuvent donc pas s’attendre à ce que ces réunions déclenchent des actions de manière systématique et fiable sur les sujets évoqués. Nous, ce qu’on trouve quand même bien dommage, c’est que ce genre de pratique ne soit pas partagé dans le reste de la banque…