La CPAM Yvelines se transforme

Écrit par Sarah Spitz, le 03 juillet 2019

En septembre 2011, Patrick Negaret arrive à la tête de la CPAM des Yvelines. Avec près de 30 centres différents, son système très hiérarchique, et sa performance modeste, il se dit qu’il y a des choses à changer. De son expérience et de sa confiance en la nature humaine, il en sort un projet de transformation radical et plutôt ambitieux : Patrick veut « libérer les énergies ». 

Bon. Et par où on commence alors ?

Eh bien, on commence par le commencement. 5 leviers autour desquels la transformation s’articule ont d’abord été identifiés par Patrick :

  • Donner du sens
  • Créer de la confiance
  • Accorder de l’autonomie
  • Cultiver la reconnaissance
  • Développer la fierté d’appartenance

Mais attention : à partir de ce moment précis, c’en est fini des grands mots et des axes structurants. Une fois ces 5 leviers déterminés, tout le reste consiste à les matérialiser au travers de nouvelles habitudes de travail, de nouvelles formations, de nouveaux outils. Bref, tout un tas de choses très concrètes pour éviter les écueils de grandes conversations stratégiques qui peuvent rester floues pendant longtemps et générer des tensions ou des débats stériles sur le sujet de la transformation.

Avant de rentrer dans le détail des grandes étapes de ce parcours plus qu’ambitieux, je vous propose de voir de plus près le vaste chantier d’acculturation qui a été lancé en 2012 et qui constitue la colonne vertébrale de ce projet de transformation.

Acculturation des collaborateurs aux leviers de la transformation

  1. Des interventions d’experts ont été organisées au sein de la CPAM sur certains sujets phares comme le télétravail, la génération Y, le neuromanagement… Les collaborateurs sont également invités à assister à des évènements et conférences externes, tels que ceux de MOM 21. Pour permettre aux collaborateurs de changer d’environnement, des learning expeditions sont également organisées, tant au sein d’autres CPAM qui elles aussi se transforment, que dans des entreprises de tailles et secteurs différents.
  2. Tout un programme de formation à la facilitation a été proposé à des managers et des collaborateurs. Le but : sortir de la réunionite, épidémie des organisations françaises (que celui ou celle d’entre vous qui ne s’est jamais plaint d’une réunion n’ayant servi à rien ou qui a duré deux fois trop longtemps me jette la première pierre !). Une trentaine de personnes a été formée en 18 mois sur un programme de 2 modules de 3 jours. Et maintenant, ces facilitateurs se forment pour pouvoir former d’autres collaborateurs et managers. 10 d’entre eux vont ainsi devenir formateurs ! Puis, en 2017, focus sur le changement de posture des managers de proximité. Ça a tellement bien marché qu’en 2018, le module a été proposé aux managers stratégiques.
  3. Pour certains, la transformation était un défi sans doute plus personnel que professionnel. Pas facile pour un collaborateur habitué à recevoir des ordres et à ne jamais donner son avis d’oser parler et devenir acteur de cette transformation. Alors lorsque quelques collaborateurs ont souhaité organiser des ateliers théâtre sur les pauses déjeuner, Patrick a tout de suite donné son feu vert, voyant rapidement les bénéfices que chacun pourrait en tirer.

Ah oui, oui : je suis déterminé ! - Patrick Negaret

 

Aujourd’hui, l’acculturation est encore bien présente : si vous arpentez un jour les couloirs de la CPAM, vous verrez des piles de livres de Frédéric Laloux, Isaac Getz et Alexandre Gérard dispersées un peu partout !

Réduction des strates hiérarchiques

Pour entériner ces changements, l’organigramme a été revu : les strates hiérarchiques sont passées de 6 à 4. En 2 ans. Et sans conflits !

Cela s’est fait très progressivement, et au cas par cas : on est bien loin de cette chasse aux sorcières du management qui épouvante bon nombre des détracteurs de tout mouvement de libération de l’entreprise. Il n’était pas question de mener une révolution qui priverait du jour au lendemain certains managers de leur statut, les laissant sans doute déçus par l’organisation pour un bon moment. Non, vraiment, rien de tout ça : cela s’est fait progressivement par des départs en retraite non remplacés. A chaque vacance de poste ou départ en retraite, au cas par cas, les statuts ont été réévalués. Personne, en tout cas, n’a perdu son poste de manager.

De nouvelles pratiques progressivement mises en place

Il a fallu s’adapter côté RH et mener un changement de posture assez profond, d’un sachant expert et rattaché à l’administratif à un accompagnant et un facilitateur. Restons dans le concret : plusieurs initiatives ont été déclenchées au fil des années. Le parcours d’intégration a été revu, afin d’impliquer et responsabiliser davantage le management. L’évaluation 360° a été également proposée pour les managers volontaires (environ une vingtaine fin 2018). Ces derniers sont ainsi évalués par leurs collaborateurs, leurs pairs, et leur N+1.

Et puis le recrutement aussi a été remodelé. Un premier frein à la performance a été levé lorsque le recrutement des CDD, autrefois géré par les RH mais jugé trop lent, a été laissé en toute autonomie aux managers qui le souhaitaient (encore une fois : tout est sur base du volontariat !). Ce sont désormais eux qui les recrutent : en novembre 2018, 19 CDD ont ainsi été recrutés par les pairs dans 5 services différents. Puis, le recrutement des CDD par les pairs a été généralisé. Avant, les RH et le manager tranchaient pour l’embauche d’un candidat. Mais ça, c’était avant. Désormais, les RH, le manager et un pair choisi, participent à ce choix.

La mise en place de pratiques nouvelles a mené à un changement culturel profond. Grâce à la mise en place du don de jours de congés, qui permet à un collaborateur ayant besoin de s’absenter en plus de ses congés de bénéficier de dons de jours de congés de la part de ses collègues, est un bel exemple de solidarité spontanée au sein de laquelle aucun management n’intervient, si ce n’est pour donner de ses propres jours. En 2015, la zone de parking réservée à la direction a été supprimée et l’espace café de l’équipe de direction a été mise à disposition des collaborateurs.

Côté managers, un Club des managers a été créé en 2016. Les membres (volontaires) se réunissent 4 fois par an pour aborder des thématiques innovantes (qui sont identifiées et préparées en amont).

Deuxième étape : l’implémentation du Lean management adapté, que je vous raconterai dans le prochain article !