Sandra Bertezene vous dit pourquoi le CNAM soutient l'initiative Au cœur de l'hôpital

Écrit par Perrine Croatto, le 09 avril 2018

Sandra Bertezene, Directrice de la Chaire de Gestion des Service de Santé du CNAM nous explique pourquoi elle soutient l'initiative Au cœur de l'hôpital et partage son idée pour l'amélioration des conditions de travail à l'hôpital.

Qu’est-ce qui vous a motivé à soutenir cette initiative ?

J’ai souhaité participer à cette initiative car elle témoigne des changements qui s’opèrent dans le secteur de la santé. Les activités de recherche et d’enseignement que je développe dans le cadre ma Chaire de Gestion des Services de Santé au Conservatoire National des Arts et Métiers (Cnam) participent de ce mouvement et c’est dans ce cadre que je collabore avec ANEO. De plus, cette initiative est originale, elle se déroule en plusieurs temps : d’abord un appel à contribution pour collecter les expériences de bonnes pratiques en matière d’amélioration des conditions de travail à l’hôpital, ensuite une soirée le 17 mai pour discuter de ces initiatives et enfin, la formalisation d’un document de synthèse faisant état de ces initiatives innovantes de manière à les partager avec le plus grand nombre. Ces trois étapes font de cet événement une expérience originale qui peut être utile aux professionnels de la santé en formation au Cnam.

Partagez avec nous une idée pour améliorer les conditions de travail à l’hôpital ?

Urgences saturées, personnels épuisés, maisons de retraite hors de prix, etc. : au vu des problèmes vécus par les services de santé, il est légitime de se demander si les termes « humanisme » et « management » sont réellement compatibles au sein d’organisations qui se veulent pourtant humanistes. Pour répondre à la question, il est d’abord intéressant de souligner une des raisons majeures pouvant expliquer ces difficultés : le manque de responsabilité individuelle (car la subsidiarité n’est pas institutionnalisée) et le cloisonnement des activités (bureau des entrée, radiologie, etc.) entravent l’agilité nécessaire pour faire face à un environnement changeant et incertain. Il en résulte dysfonctionnements et gaspillages alors même que le manque de ressources est continuellement dénoncé.

Pour lutter contre ces effets pervers hérités du modèle classique de l’organisation, une pensée transdisciplinaire favorise la compréhension de ce qu’est un professionnel ou un malade. Réduire un patient à sa pathologie reviendrait à le priver de la possibilité d’être considéré autrement que comme un objet de soins, ce qui est contraire aux principes de bientraitance et d’empowerment (actions favorisant la capacité des individus à faire des choix et à les transformer en actions ayant un impact sur la santé). De même, être aide-soignant ne se résume pas à une succession de tâches réglementées, mais plutôt à un ensemble enchevêtré de compétences, de qualité, de talents, de valeurs, etc. Nous ne pouvons pas réduire un professionnel à un ensemble de normes au risque de favoriser une responsabilité professionnelle réductrice qui autorise à dire en guise de réponse à tout dysfonctionnement : « ce n’était pas dans la fiche de poste » ou encore « la procédure ne l’avait pas prévu ».

L’humanisme nous invite à donner une place prépondérante à l’Homme et à considérer que son humanité (c’est-à-dire le comportement permettant de créer des liens entre les Hommes) s’acquiert grâce à la culture, aux savoirs, à la connaissance. Au sein des organisations, de nombreuses recherches ont justement mis en évidence le lien entre le management des connaissances, la productivité, la qualité et la performance. Ce type de management repose sur l’instauration d’un contexte favorable à la création, au partage et à l’utilisation des connaissances. Il repose aussi sur la présence de ressources tangibles et intangibles comme la confiance pour favoriser le déploiement d’un processus de transformation permanente des connaissances par les personnels eux-mêmes. Ce système favorise la responsabilité individuelle grâce au développement de l’autonomie et l’importance accordée à la parole et à la personne du résident ou du patient.

Ce modèle expérimenté par différentes organisations offre des perspectives prometteuses pour nos services de santé. Néanmoins, le succès du management des connaissances dépend au minimum, de la capacité à construire une vision partagée des valeurs qui vont guider la stratégie, à percevoir la nature constructiviste et systémique de l’environnement pour appréhender les phénomènes dans toute leur complexité et ainsi se donner les moyens d’anticiper les dysfonctionnements et de réduire les gaspillages de ressources qui en découlent pour mieux faire face à un environnement incertain.