Dans de nombreuses organisations, on sent aujourd’hui un décalage : Les dirigeants portent la vision, les managers tiennent la structure, mais entre les deux, l’énergie d’action peine parfois à circuler. Les équipes réclament plus d’autonomie, de sens et de confiance, tandis que les directions cherchent à garder cohérence et performance. Ce paradoxe n’est pas une question de volonté, mais de modèle de leadership. Le modèle classique, centré sur un petit nombre de décideurs, a longtemps assuré la stabilité. Mais face à la complexité, à la vitesse du changement et à la montée des compétences collectives, il devient trop rigide, trop lent, trop dépendant d’un centre qui ne peut plus tout voir ni tout décider. Dans ce contexte, un nouveau type de leadership émerge : Le leadership distribué, ou comment faire du leadership une responsabilité partagée plutôt qu’un poste réservé. L’idée n’est plus de concentrer le pouvoir en haut, mais de faire circuler la capacité à agir partout où elle est utile. Ce changement n’est pas qu’organisationnel : Il redéfinit la manière même de travailler ensemble. Il invite à voir le leadership comme une dynamique collective un mouvement où chacun peut, à son niveau, prendre des initiatives, influencer le cours des choses, et contribuer à la réussite commune.
Ce modèle émerge dans de nombreuses entreprises, start-ups comme grands groupes. Mais avant d’en explorer les conditions de réussite, encore faut-il comprendre ce qu’on met réellement derrière ce mot : “leadership distribué.” Le leadership distribué ne consiste pas à “supprimer les chefs”. C’est un mode de fonctionnement où le leadership est partagé entre plusieurs personnes, à différents niveaux de l’organisation. Concrètement, cela veut dire que chacun selon sa compétence et son rôle du moment peut : • Prendre des initiatives • Influencer les décisions • Contribuer à la stratégie Sans devoir attendre la validation d’un supérieur C’est un leadership en réseau plutôt qu’en pyramide, qui relie les acteurs au lieu de les empiler. Les chercheurs du MIT et McKinsey parlent ici d’“organisation agentique” ou d’“écosystème de leaders” : une organisation où la valeur naît de la collaboration entre les intelligences humaines et collectives.
Ces constats sont clairs : le leadership distribué peut devenir un levier puissant… ou un piège organisationnel. Tout dépend des conditions dans lesquelles il est mis en œuvre. Voici celles qui, selon la recherche et l’expérience du terrain (OCDE, MIT, McKinsey, universités européennes), font la différence :
Quand il est bien mis en œuvre, le leadership distribué est un levier de performance et d’engagement.
Mais s’il est mal préparé, il peut vite devenir un facteur de chaos :
Le leadership distribué fonctionne si la structure soutient la confiance, et échoue si la structure se contente de déléguer sans aligner
Si ces conditions structurent le terrain de jeu, encore faut-il que les acteurs acceptent d’y jouer autrement. Car le leadership distribué ne transforme pas seulement les structures : il transforme les rôles. Mettre en place un leadership distribué ne consiste pas simplement à dire « tout le monde peut être leader ». C’est un changement de posture et de système qui demande une vraie préparation. Les organisations qui réussissent cette évolution partagent 5 conditions essentielles à la fois structurelles, culturelles et humaines.
Le leadership distribué ne signifie pas “plus de règles”, mais de meilleures règles.
Chaque personne doit savoir :
Cette clarté évite la confusion, renforce la confiance et facilite la prise d’initiative. C’est souvent ce cadre explicite qui donne aux collaborateurs l’assurance d’agir sans peur.
Exemple : une équipe produit définit ensemble une “matrice de décisions” (qui décide / qui contribue / qui est informé). Ce simple outil libère la prise d’initiative tout en maintenant la cohérence collective
Quand le leadership est partagé, la coordination devient vitale. Sans cela, chacun avance dans son couloir et l’organisation perd en alignement.
Les structures qui réussissent ont mis en place des espaces de synchronisation :
Ces moments permettent de maintenir la cohérence sans hiérarchie. Ils deviennent la colonne vertébrale d’un leadership collectif.
Exemple : certaines entreprises adoptent un “leadership cercle” mensuel, où managers, experts et contributeurs clés partagent décisions, obstacles et enseignements dans une logique de transparence et d’apprentissage.
Aucun leadership distribué ne peut exister sans confiance mutuelle. La confiance est ce qui remplace le contrôle permanent : elle permet de déléguer, d’essayer, de corriger.
Mais la confiance seule ne suffit pas : elle doit être accompagnée d’un sens aigu de la responsabilité individuelle et collective. Chaque membre devient garant non seulement de ses actions, mais aussi de la dynamique du groupe.
Exemple : une direction qui autorise ses équipes à tester des approches nouvelles, à condition de documenter les résultats et d’en tirer collectivement des enseignements, installe une vraie culture de confiance responsable.
Le leadership distribué repose sur l’idée que l’organisation apprend en marchant. Il n’y a pas de modèle parfait, seulement des ajustements constants. Les erreurs, loin d’être sanctionnées, deviennent des opportunités d’apprentissage collectif.
Les organisations qui cultivent cette posture progressent plus vite, car elles transforment les échecs en savoirs et les tensions en occasions d’évolution.
Exemple : après chaque projet, une équipe tient un “débrief apprenant” pour identifier ce qui a bien fonctionné, ce qui a moins bien marché, et comment adapter son mode de décision la prochaine fois.
Le leadership distribué ne repose pas sur la bonne volonté des individus, mais sur un écosystème qui rend la coopération naturelle et légitime.
C’est un équilibre entre autonomie et alignement, entre confiance et responsabilité, entre structure et liberté. Et c’est précisément dans cet équilibre que se construit un leadership à la fois agile, humain et durable.
Cette évolution vers un leadership partagé ne se décrète pas. Elle se construit dans le temps, par l’expérimentation, le feedback et l’apprentissage collectif. Et c’est précisément là que les coachs d’équipe, d’organisation ou individuels deviennent essentiels.
Car le rôle du management évolue profondément :
Et pour les RH, c’est aussi une révolution :
Dans un modèle de leadership distribué, le coach devient un acteur central de la transformation. Non pas parce qu’il apporte des réponses toutes faites, mais parce qu’il crée les conditions pour que le collectif trouve ses propres réponses.
Le coach est à la fois miroir, catalyseur et révélateur. Il aide les équipes, les managers et les directions à voir ce qui se joue réellement : les tensions entre autonomie et alignement, entre pouvoir et responsabilité, entre confiance déclarée et confiance vécue.
L’un des premiers rôles du coach est d’aider le système à voir sa propre dynamique. Dans une organisation distribuée, le leadership circule parfois de manière implicite ou informelle. Le coach aide à cartographier cette circulation du pouvoir d’agir : Qui influence ? Où se prennent les décisions ? Qu’est-ce qui freine ? Qu’est-ce qui fluidifie ?
Ces prises de conscience sont essentielles, car elles révèlent souvent des nœuds invisibles : des zones d’incertitude, des rôles mal définis, des habitudes héritées d’une culture hiérarchique. Les rendre visibles, c’est déjà commencer à les transformer.
Exemple : dans une équipe projet, le coach observe que les décisions stratégiques sont en fait prises par deux personnes clés, mais jamais formalisées. En aidant l’équipe à le reconnaître et à l’assumer, il restaure la clarté et la confiance.
Une fois ces dynamiques rendues visibles, le coach agit comme facilitateur d’alignement. Il aide à clarifier les rôles, les responsabilités et les interactions. Il accompagne la mise en place de rituels collectifs : réunions de synchronisation, revues d’apprentissage, cercles de décision, espaces de feedback.
Le coach soutient le passage d’une logique de contrôle à une logique de confiance outillée : la confiance n’est pas naïve, elle s’appuie sur des cadres explicites et des pratiques concrètes.
Exemple : lors d’un accompagnement d’équipe de direction, le coach introduit un rituel “Qui décide quoi ?” pour clarifier les zones d’autonomie de chacun. En quelques semaines, les doublons disparaissent, la communication devient plus fluide et la posture collective plus sereine.
Le leadership distribué suppose que chaque manager, à son tour, devienne un peu coach. Le rôle du coach professionnel est alors d’accompagner cette montée en posture : écouter sans juger, poser des questions qui ouvrent, donner du feedback constructif, créer les conditions d’un dialogue authentique.
C’est un changement profond : le leader cesse de “faire faire” pour faire grandir. Et le coach devient le compagnon de cette transition, à la fois exigeant et bienveillant.
Exemple : un manager apprend à transformer ses réunions hebdomadaires en temps d’intelligence collective : moins de reporting, plus d’échanges sur les apprentissages, les besoins et les décisions à venir
Au-delà des équipes, le coach joue un rôle dans la transformation systémique. Il aide les organisations à reconfigurer leur culture : à passer du pouvoir centralisé au pouvoir partagé, du contrôle à la confiance, de la conformité à l’apprentissage continu.
Cela demande du temps et de la persévérance. Mais c’est précisément ce que les coachs savent faire : créer des espaces où la parole se libère, où les peurs peuvent être nommées, et où chacun retrouve sa capacité à agir.
Le leadership distribué n’est pas seulement une méthode. C’est un changement de conscience collective, et le coach en est le gardien discret.
Le coach aide l’organisation à se regarder autrement, à clarifier ce qu’elle veut incarner, et à expérimenter de nouvelles manières de coopérer.
Dans un système où le leadership devient multiple, le coach n’est plus un accompagnant périphérique : il est un facilitateur du sens, du lien et de la maturité collective.
C’est lui qui aide à transformer une intention en dynamique vivante, et une dynamique en culture durable.
Cette réflexion s’appuie sur de nombreuses études récentes — McKinsey, MIT, OCDE ou encore plusieurs travaux européens — qui convergent toutes vers un même constat : le leadership distribué n’est pas une tendance, mais une évolution structurelle rendue indispensable par la complexité croissante des organisations et de leur environnement.
C’est aussi une conviction que j’ai forgée au fil de mon parcours, en ayant successivement occupé des rôles de développeur, chef de projet, directeur de programme, PMO, coach agile, puis coach d’équipe et d’organisation. Cette diversité de points de vue m’a permis d’observer à quel point la performance collective dépend moins des processus que de la circulation du leadership : des décisions plus proches du terrain, de la confiance entre les acteurs, et de la capacité à apprendre ensemble.
Aujourd’hui, aucune organisation ne peut affronter seule la complexité avec un modèle de décision centralisé. Le leadership distribué ne vise pas à eMacer les leaders, mais à déployer le leadership là où se crée la valeur : dans les équipes, au plus près des situations, là où les décisions ont du sens. C’est un modèle qui rend les organisations plus adaptables, plus conscientes et plus humaines.
Mettre en place ce type de leadership demande du temps, de la clarté, et souvent un accompagnement pour franchir certaines étapes culturelles et relationnelles. Mais l’enjeu est clair : passer d’un leadership dé tenu à un leadership partagé, d’un pouvoir centré à un pouvoir distribué, d’une organisation pilotée à une organisation vivante.
Le futur du leadership ne sera pas hiérarchique. Il sera collectif, distribué et conscient…